Une sédentarité élevée chez les adultes et les enfants résidant en France métropolitaine

En France, deux études –Etude Nationale Nutrition Santé (ENNS) en 2006-2007 et Étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition (ESTEBAN) en 2014-2016–, se sont intéressées à la pratique d’activités physiques et à la sédentarité d’un échantillon représentatif de la population française chez des jeunes de 6 à 17 ans et des adultes de 18 à 74 ans. Les principaux résultats de ces études montrent qu’en 2015, 53% des femmes et 71% des hommes atteignaient les recommandations de l’OMS en matière d’activité physique, soit 60’ d’exercice par jour. Entre 2006 et 2015, ce niveau d’activité physique a diminué chez les femmes quel que soit leur âge. Il a augmenté chez les hommes de 40-54 ans mais est resté stable dans les autres classes d’âge. Ces données sont corroborées au niveau mondial au travers d’une enquête portant sur 122 pays et rapportant des données similaires, plus marquées dans les pays occidentaux que dans le reste du monde (Hallal et al., 2012).

Plus préoccupant, chez les enfants de 6-17 ans, seuls 51% des garçons et 33% des filles atteignaient, en 2015, les recommandations de l’OMS, les enfants de 6-10 ans étant les plus actifs. 70% des garçons et 50% des filles atteignaient les recommandations de l’OMS dans cette tranche d’âge, comparé à 35% des garçons et 20% des filles de plus de 10 ans. L’inactivité physique augmente donc considérablement au-delà de 11 ans, et de manière plus prononcée chez les jeunes filles. Il n’y a pas eu d’évolution significative du niveau d’activité physique des enfants ces 10 dernières années. Toutefois entre 2006 et 2015, une tendance à une augmentation de la pratique physique chez les 15-17 ans a été observée dans le rapport de l’étude ESTEBAN. Ces données alarmantes en matière de santé publique ont été confirmées plus récemment, que ce soit avec des mesures objectives d’accélérométrie ou dans le cadre d’évaluations par questionnaires (Fillon et al. 2021),

Une méta-analyse de la littérature portant sur 137 études s’intéressant à la quantité d’activité physique à partir de données de V02 max a montré une chute de 8% de la condition physique des jeunes français au cours de ces 30 dernières années, avec une baisse de 3% à l’échelle mondiale (Tomkinson et al., 2019).

Ces différents résultats mettent en lumière des niveaux d’activité physique encore faibles et une sédentarité élevée chez les adultes et les enfants résidant en France métropolitaine en 2015, ainsi qu’une dégradation quasi-générale de ces indicateurs au cours des 10 dernières années. Il apparaît donc nécessaire, dans une perspective de santé publique, d’intervenir conjointement pour augmenter le niveau d’activité physique de la population et limiter le temps passé dans des comportements sédentaires. Une attention particulière doit être portée aux femmes chez qui ces facteurs se sont dégradés de manière plus prononcée au cours de ces 10 dernières années.

Par ailleurs, la crise sanitaire dont nous sortons progressivement a mis en évidence deux observations importantes :

  • Avec le confinement, la quantité d’activité physique a baissé notablement (cf. récente méta analyse de Park et al., 2022) dans toutes les tranches de la population mondiale, et les niveaux antérieurs d’activité physique ne semblent pas avoir été retrouvés ;
  • Les périodes de confinement ont pu mettre en évidence, ou plutôt confirmer, la nécessité de bouger pour le bien-être et la santé des populations, alors même que les effets post-covid en matière d’activité physique sont encore peu connus sur le moyen et long terme.

Les différentes études et données actuelles présentent néanmoins plusieurs limites majeures qui ne permettent pas d’aller au-delà d’un constat alarmant, en matière de politiques publiques pour inciter à la pratique d’une activité physique régulière, et de santé publique pour lutter contre les maladies chroniques qui sont devenues le fléau de nos sociétés modernes : obésité, diabète, insuffisances cardiaques et respiratoires, déconditionnement à l’effort, etc.

  • La dépense énergétique réelle liée à une activité physique n’est jamais calculée précisément, sinon sous la forme de grandes catégories de la sédentarité à l’exercice modéré à intense. Pourtant, l’intensité de l’activité physique pratiquée, en lien avec la nature de l’exercice, sa durée et les caractéristiques individuelles des sujets, peut modifier considérablement les conclusions apportées.
  • Les liens entre quantité d’activité physique et/ou dépense énergétique et condition physique des individus ne sont pas précisément établis, sinon pour dire que les individus ayant la meilleure condition physique pratiquent davantage que les autres
  • Les liens entre quantité d’activité physique et/ou dépense énergétique et motivations pour la pratique d’activités physiques ne sont pas non plus établis. On sait que les motivations pour pratiquer ou non des activités physiques peuvent être diverses et de nature différente, mais il n’y a pas de lien clair établi entre ces motivations et la quantité de pratique ou de dépense énergétique.
  • Les liens entre quantité d’activité physique et/ou dépense énergétique et leurs effets sur le sommeil, le bien-être mental et/ou les habitudes de vie restent également à explorer.
  • Les liens entre quantité d’activité physique et/ou dépense énergétique et données démographiques et socio-économiques sont finalement assez peu connus, au-delà des grandes généralités habituelles : effets de genre ou effets de niveau socio-culturel global.
  • La fiabilité des applications mobiles actuelles pour mesurer la quantité d’activité physique (Silva A et al., 2020) et/ou certaines des composantes de la condition physique (Silva R. et al., 2021) reste largement discutable.

L’ambition de ce projet est d’apporter quelques réponses plus précises à ces différentes questions, d’une part sur le plan fondamental, pour comprendre comment mieux estimer la dépense énergétique en conditions écologiques, hors situations de laboratoire, c’est-à-dire autrement qu’en utilisant les techniques expérimentales habituelles éprouvées -calorimétrie directe (Murgatroyd et al., 1993) ou indirecte (Nichols et al., 2000 ; Westerterp, 1999), eau doublement marquée (Schoeller et al., 1986)-. Il s’agit d’autre part de faire un vaste état des lieux post-covid de l’activité physique et de la dépense énergétique de la population française, en lien avec d’autres dimensions essentielles que sont l’état général de santé et la condition physique des individus, mais aussi leurs caractéristiques socio-économiques, leur motivation pour l’exercice physique, la qualité du sommeil, la nutrition ou le bien-être mental.

Le croisement de ces données hétérogènes ou incomplètes, quantitatives et qualitatives, devrait permettre de fournir un paysage plus complet de la situation française ainsi que de nouvelles clefs de compréhension permettant à terme de favoriser une pratique d’activités physiques plus conséquente et régulière, dans une perspective de santé publique et bien-être de la population.

En effet, l’enjeu est de pouvoir intervenir en particulier auprès des jeunes populations, âgées de 10 à 24 ans, pour engendrer des comportements durables en matière d’activité physique et prévenir à terme les maladies cardio-métaboliques et troubles de la santé mentale, en agissant à la fois sur le système éducatif, l’environnement social et numérique des jeunes et l’aménagement urbain, comme le suggère une étude récente du Lancet (van Sluijs et al., 2021). Dans une autre étude récente, preuve a été faite que les Jeux Olympiques des éditions précédentes n’ont pas conduit à une augmentation large et généralisée de la quantité d’activité physique dans les pays d’accueil de ces Jeux, mais qu’ils constituent sans doute à ce jour une occasion manquée en la matière, faute d’un réel partenariat entre les différents acteurs (Bauman et al., 2021). La proximité des JO de Paris 2024 sont en ce sens une nouvelle opportunité qu’il serait dommage de manquer.

Références

Bartlett J., & Hughes R. (2020). Bootstrap Inference for Multiple Imputation Under Uncongeniality and Misspecification. Statistical Methods in Medical Research, 29, 3533-3546.

Bauman A., Kamada M., Reis R., Troiano R., Ding D, Milton K., Murphy N., & Hallal P. (2021). An evidence-based assessment of the impact of the Olympic Games on population levels of physical activity. Lancet, 398, 456-464.

Besson H., Brage S., Jakes R., Ekelund U., & Wareham N. (2010). Estimating physical activity energy expenditure, sedentary time, and physical activity intensity by self-report in adults. American Journal of Clinical Nutrition, 91, 106–14.

Deng Y., Changgee C., Moges S., & Qi L. (2016). Multiple Imputation for General Missing Data Patterns in the Presence of High-Dimensional Data. Scientific Reports, 6, 1–10.

Fillon A., Genin P., Larras B., Vanhelst J., Luiggi M., Aubert S., Verdot C., Rey O., Lhuisset L., Bois J., Fearnbach N., Duclos M. & Thivel D. (2021). France’s 2020 Report Card on Physical Activity and Sedentary Behaviors in Children and Youth: Results and Progression. Journal of Physical Activity and Health, 18, 7, 811-817.

Hallal P., Bo Andersen L., Bull F., Guthold R., Haskell W., Ekelund U., & Lancet Physical Activity Series Working Group. (2012). Global physical activity levels: surveillance progress, pitfalls, and prospects.  2012). Lancet, 380(9838), 247-57.

Murgatroyd P., Shetty P., & Prentice A. (1993). Techniques for the measurement of human energy expenditure: a practical guide. International Journal of Obesity, 17, 549-68.

Nichols J., Morgan C., Chabot L. et al. (2000). Assessment of physical activity with the Computer Science Applications, Inc., accelerometer: laboratory versus field condition. Research Quarterly for Exercise and Sport, 71, 36- 43.

Park A., Zhong S., Yang H., Jeong J., & Lee C. (2022). Impact of COVID-19 on physical activity: A rapid review. Journal of Global Health, 12, 05003.

Schoeller D., Ravussin E., Schutz Y. et al. (1986).  Energy expenditure by doubly labeled water: validation in humans and proposed calculation. American Journal of Physiology, 250, 823-30.

Silva A., Simoes P., Queiros A., Rodrigues M., & Rocha N. (2020). Mobile Apps to Quantify Aspects of Physical Activity: a Systematic Review on its Reliability and Validity. Journal of Medical Systems, 44, 51.

Silva R., Rico-González M., Lima R., Akyildiz Z., Pino-Ortega J., & Clemente PM. (2021). Validity and Reliability of Mobile Applications for Assessing Strength, Power, Velocity, and Change-of-Direction: A Systematic Review; Sensors, 21, 2623.

Tomkinson G.R., Lang J.J., & Tremblay M.S. (2019). Temporal trends in the cardiorespiratory fitness of children and adolescents representing 19 high- income and upper middle-income countries between 1981 and 2014. British Journal of Sports Medicine, 53, 478–486.

van Sluijs E., Ekelund U., Crochemore-Silva I., Guthold R., Ha A., Lubans D., Oyeyemi A., Ding D., & Katzmarzyk P. (2021). Physical activity behaviours in adolescence: current evidence and opportunities for intervention. Lancet, 398, 429-442.

Westerterp K. (1999) Physical activity assessment with accelerometers. International Journal of Obesity, 23, 45-49